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La peinture pour ascèseS’il vit en France depuis près de trente ans, son œuvre ne laisse aucun doute, Giorgio Brunacci est un Italien, et même un Romain. Dès l’enfance il est tombé en amour des madones qu’il pouvait admirer au musée du Vatican, à la Galleria Borghese ou tout simplement dans les églises, à deux pas de chez lui. Raphaël, Pietro della Francesca, Botticelli, pour ne citer qu’eux, l’ont inspiré et motivé. Giorgio a donc commencé à peindre par fascination pour ces toiles qui s’égrènent sur tous les monuments de sa Rome natale. Il a été soutenu par ses cours du soir à l’Academia delle Arti de Rome, pendant que de jour il faisait semblant de suivre ceux de la fac de psychologie, et surtout par l’oncle d’un ami, peintre professionnel, Umberto Volpi, qui ne lui a jamais épargné ses conseils. Rien d'étonnant donc à ce que sa spécialité soit devenue celle de l’huile, pour sa densité, sa lumière, sa maniabilité dans la suggestion des matières. Venu en Dordogne pour une saison de vendanges, il s’y est installé et a immédiatement exposé. Il s’est alors consacré à la peinture et à l’expérimentation dans le secret de son atelier ; chaque jour sur le chevalet remettant son ouvrage, il a acquis cette technique des superpositions qui fait l’admiration de bien de ses confrères. Au rebours de la mode monomaniaque du sujet unique, les méandres de son imaginaire l’ont amené à revisiter toute la palette des thèmes classiques, des femmes aux natures silencieuses – ainsi que nomment les Italiens nos natures « mortes » –, vanités ou paysages. Et ne dérogeant pas à la tradition du pèlerinage pictural, il s’est mis récemment dans les pas des grands maîtres, voyant ainsi sa technique encore évoluer et ses sujets prendre un nouvel envol. |
Trois questions à BrunacciQu'est-ce, pour vous, qu'être peintre ?Une nécessité, quelque chose qui s'est imposé sans que je le choisisse vraiment. Et en même temps, on pourrait dire que c'est un choix de vie, en ligne directe avec mon ressenti le plus profond, avec les émotions de mon monde intérieur. C'est un véritable archaïsme, la confrontation avec une des aspirations humaines les plus primitives, tellement utilisée, tellement vécue, par tant d'autres êtres… J'ai tout à la fois la conscience que les choses les plus exceptionnelles ont déjà été réalisées, et la conviction qu'aux plans technique, émotionnel ou poétique, il y a toujours la possibilité d'innover, d'inventer sa propre mythologie. |
Vous êtes né à l'heure de l'abstraction triomphante, du concept omniprésent. Pourquoi alors avoir choisi d'être un figuratif ? C'est un choix qui ne s'est pas vraiment posé, je l'ai vécu comme une évidence. Ce doit être, tout simplement, une question de mémoire visuelle : je suis romain, et j'ai eu envie de faire de la peinture devant les œuvres de la renaissance italienne. De plus un tableau, pour moi, c'est une affaire d'œil, d'émotion directement ressentie. Expliquer ma démarche, le pourquoi et le comment d'une couleur ou d'un choix de support, ce n'est pas mon truc. Mon premier maître, un spécialiste de l’huile proche du maniérisme a sans doute aussi compté dans cette direction. Pour moi, c’était magique d’entrer dans son atelier : l’odeur de peinture, les toiles, les pigments mélangés à l’huile… Il nous montrait comment apprêter des tablettes de bois avec de la colle de peau. Il nous avait recommandé de choisir des terres au démarrage des couleurs, pour bien poser les valeurs du clair-obscur. Trente-cinq ans plus tard, je continue à suivre ce conseil. Maestro Volpi a été déterminant pour mon futur de peintre. |
Êtes-vous un créateur joyeux ou angoissé ? Les deux ! La création c'est de la joie et de l'angoisse, du doute et du plaisir, de la peur et tant de volupté… C'est être, tout simplement, être dans l'instant, être en prise directe avec ce que je fais ; une nécessité, quelle qu'en soit la douleur, tout à la fois une drogue et une planche de salut. Quand je produis une image, j'ai comme la sensation qu'elle ne m'appartient pas totalement, et ce processus qui m'échappe me fascine beaucoup. Autant je suis un peintre terrien, et même terre à terre — quand j'essaye d'aborder des sujets sans liens directs avec ma vie, je me plante —, autant, par la peinture, je me sens entrer en communion avec l'univers. C'est cela, pour moi, le mystère. |
Dans la presse
« L’eau, ce n’est pas pour moi. J’ai essayé, mais je n’en ai jamais vraiment fait de tableau. C’est une technique qui ne me convient pas. Mon attraction pour l’huile est liée à la matière elle-même, à l’odeur qu’elle dégage, à sa lenteur de séchage, à la possibilité qu’elle donne de créer les couleurs en transparence à travers les glacis. J’ai besoin de cette lenteur d’exécution pour imprégner mon sujet, avec beaucoup de retours sur la peinture, en couches superposées, pour créer une géographie, une matière de surface qui m’intéresse. » | Giorgio Brunacci Cité par Michèle dans « Dessins et Peintures » thématique n° 24. |
« Il y a dans ses toiles une retenue poétique et un fondu dans le choix des couleurs qui leur confèrent une grande singularité. Giorgio Brunacci n’a pas besoin d’exubérances colorées ou d’empâtements spectaculaires pour s’exprimer, préférant compter sur l’évanescence des superpositions qu’il travaille avec une grande minutie. Dans ce jeu de transparences qui laisse deviner la richesse des couches inférieures, l’artiste compose ses tableaux avec un sens théâtral qui réussit à réinventer le réalisme en laissant parler les émotions. » | Thierry Sznytka « Arts Actualités magazine » avril 2006 |
« Maria Maddalena, une huile sur papyrus marouflé sur bois, dont le visage tendre, les yeux expressifs et doux reflètent une vie, une profondeur intérieures qui nous parlent et nous émeuvent dès le premier regard. » | Andréa Turquetit « Paris Normandie » oct. 2003 |
« Sans oublier l’art, il vit la peinture comme un artisan. Teintées de douceur romaine, ses œuvres naissent d’expérimentations techniques sans cesse renouvelées. » | « Pratique des arts » février-mars 1999 |
« Champion de la fameuse solution de continuité d’un objet à l’autre où il sait faire vibrer une sorte de poussière de vie émouvante, Brunacci favorise le passage sans rupture entre l’imaginaire et le réel. Même dans les sujets les plus simples (une boîte de couleurs, une chaise Henry-II…), un petit rayon de lumière semble entrouvrir, pour qui saurait le suivre, une porte vers l’ailleurs. » | Claude Lamounaque « Ozoir magazine » octobre 1997 |